Et maintenant, la Bretagne !


Depuis Peniche, nous poursuivons notre périple vers le Nord, repassant ainsi sur nos pas du printemps 2016, qui nous avait vu remonter à toute vitesse avec nos nouveaux galons de capitaine, puis de l’automne 2016 qui nous avait vu redescendre bien plus lentement avec un 3ème passager en soute.

Notre petite trinquette aura bien plus vu le soleil et les embruns que notre génois, en cet hiver portugais.

Lors de nos précédents passages, nous avions zappé Baïona, immédiatement au nord de la frontière lusitanienne. Comme nous avons bien fait d’y jeter nos amarres cette fois-ci ! C’est une cité médiévale, sillonnée de ruelles en vieilles pierres jonchées de maisons qui semblent avoir vu les siècles défiler, le tout surplombé d’une immense forteresse du XVIème d’apparence bien plus moyenâgeuse que son âge le laisserait présumer. Pour couronner le tout, nous arrivons en pleine Arribada, fête célébrant le retour des Amériques de Martin Alonso Pinzon à bord de la Pinta, dont une réplique grandeur nature flotte dans le port, à deux pas de Lucy. Tous les habitants semblent se prêter au jeu et sont déguisés, jusqu’à la caissière du supermarché. Petit miracle, même la pluie cesse pendant les quelques jours que durent les festivités ! Entre les faucons, les concours de tir à l’arc, les joutes à l’épée en plastique, on en vient presque à oublier qu’on est bien au XXIème siècle !

 

Les chevaliers en armure côtoient les passants sous l’imposante forteresse de Baïona

Nous partons après avoir fait d’énormes courses, et c’est en les déchargeant que je découvre que nos 30 bouteilles de Gaseosa ne contiennent pas de l’Agua con gas, mais bien de la limonade premier prix. Nous n’aurons donc de cesse d’en semer partout où nous passerons lors de nos étapes suivantes. Une bouteille dans la laverie, une dans les sanitaires, ni vu ni connu. Le pire, c’est qu’elles semblent trouver preneur régulièrement ! Nous espérons que la police n’a pas ouvert d’enquête au sujet de ces mystérieuses apparitions…

Un dernier coup d’oeil à l’imposante tour qui surplombe le port, et nous voilà repartis !

Toujours plus au Nord, nous repassons par Muros, que nous avions beaucoup apprécié il y a deux ans. Cette fois, c’est simple, nous ne mettrons pas le pied en dehors du port, tant les avis de coup de vent se succèdent. Le port est bien abrité mais les rafales s’enchaînent à plus de 60 nœuds parfois, et nous découvrons qu’une bouteille laissée sur la table du carré n’a pas plus vocation à y rester que dans un mouillage rouleur !

La Corogne est notre dernière étape espagnole avant la France. Cette fois, nous jetons notre dévolu sur le Real Club Nautico Coruna, en plein centre, qui est finalement mieux placé et moins cher que la Marina Coruna qui nous avait accueillis l’an dernier. Seul défaut, les sanitaires sont un peu moins 5*, et il n’y a pas de carburant sur place. Bref, on s’en accommode, et les balades dans la vieille ville s’enchaînent, malgré le mauvais temps, toujours de la partie. Nous essuierons même un avis de tempête au large, solidement amarrés aux pontons du Real Club.

Mal de mer du bébé oblige, pour la première fois depuis notre départ, nous avons prévu de scinder l’équipage en deux : je traverserai le golfe de Gascogne avec notre ami Bruno tandis que les filles prendront l’avion jusqu’à Nantes avec une escale à Madrid. La loi de Murphy frappant toujours au moment où l’on ne l’attend pas, la petite heure de retard de leur premier vol débouchera sur une correspondance ratée et sur une nuit à l’hôtel aux frais d’Iberia. Pendant ce temps, Bruno et moi nous mettons en route, non sans une petite frayeur lorsque le moteur semble refuser de prendre des tours correctement en marche arrière au départ. Cela fait quelque temps que notre hélice fait un peu des siennes pour se déployer, et les manœuvres en sont d’autant plus stressantes (surtout que Benjamin, notre propulseur d’étrave a recommencé à faire des siennes : il ne fonctionne parfois que d’un côté, aléatoirement). Sur internet, les témoignages abondent : de petits crustacés apprécieraient particulièrement les délicats engrenages des hélices Gori; sortie de l’eau et nettoyage semblent donc indispensables.

La traversée sera sans histoire. Un tiers au moteur dans la pétole, un tiers au portant, et un dernier tiers au bon plein, le tout sur une mer agitée (pour les terriens, une mer agitée est une mer plutôt calme, avec moins de 2m50 de hauteur significative, cette dernière étant la moyenne du tiers des plus fortes vagues. Le problème, c’est que l’épithète calme est réservé à une mer parfaitement plate. A la moindre petite ride, elle devient ridée, puis, au-delà de 10cm, belle. Comme d’habitude, on fait tout pour éviter d’être compris ! Si vous êtes curieux, il s’agit de l’échelle de Douglas).

Bruno dort tranquillement pendant que le pilote fait le boulot. Une bonne brise nous propulse vers la Bretagne sur une mer particulièrement coopérative ! Dans quelques heures, je passerai le témoin et rejoindrai à mon tour les bras de Morphée !

Bruno et moi enchaînons de longs quarts de 5-6 heures, et à part un pétrolier, quelques dauphins, et des milliers d’étoiles, nous sommes seuls. Nous avalons les 350 milles du Golfe en une soixantaine d’heures, avec au final assez peu de zig-zags. L’arrivée au port du Crouesty me donne quelques sueurs froides, puisque notre hélice refuse encore une fois de s’ouvrir, mais mon doigté et ma douceur légendaire amènent finalement Lucy à bon port sans rien casser ! Quelques jours plus tard, c’est en combinaison de plongée que je retirerai 10m de gros fil de nylon de notre arbre d’hélice, coupables désignés de l’ensemble de nos récents soucis (sauf ceux du propulseur, mais c’est une autre histoire).

Des voiles au loin un jour de semaine hors vacances scolaires par un ciel d’orage : aucun doute, nous sommes bien en Bretagne !

A nous la Bretagne, le bon pain (ah, le pain français), le soleil, les marineros qui parlent dans la bonne langue, et bien sûr tous les amis laissés à quai il y a deux ans !

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *