Galice, deuxième partie 1


De notre magnifique mouillage dans la baie de Camarinas, nous avons levé l’ancre après le petit-déjeuner, direction le ria de Muros, qui paraît-il, est également très joli. Et là, miracle, du vent ! Nous hissons la GV, déroulons le génois, et nous voilà les rois ! Sauf que le vent est plus fort que prévu, alors nous prenons un ris. Le temps est idyllique, nous longeons la côte rendue mystérieuse par un voile de brume irisée de soleil. Notre bord de près nous emmène au Cap Finisterre, avec lequel nous gardons une certaine distance, les courants étant réputés assez traîtres dans ce coin.

Rencontre avec un bateau de pêche, Hermanos quelque-chose ou Hijos autre-chose, qui ressemble à un âne piqué par un taon et change de cap toutes les 5 minutes. Nous sommes en route de collision, je me résous donc à les appeler à la VHF pour leur demander poliment s’ils veulent bien aller sur leur droite (je ne sais pas dire tribord en espagnol). La réponse est confuse, en galicien bien sûr, et j’en déduis qu’il s’agit d’un non. Je m’enquière de la présence d’un filet derrière le bateau, mais j’emploie le mot « filet de poisson » au lieu de « filet de pêche ». J’entends un « quoi ?? » et un peu à court de vocabulaire maritime je leur demande s’il y a quelque chose derrière le bateau. Réponse énervée incompréhensible, je coupe court et leur dit que nous allons changer de route pour les laisser passer. Nous virons donc de bord, ce qui n’est pas une sinécure avec notre génois, et restons un quart d’heure sur ce bord qui nous rapproche de la côte avant de revirer pour ne pas flirter de trop près avec les cailloux. Mais le bateau de pêche n’a pas dit son dernier mot, et il semble être à nouveau en route de collision… Finalement nous passons, avec une impression désagréable.

Quand nous en discutons plus tard avec d’autres plaisanciers ils confirment que les pêcheurs sont très antipathiques sur l’eau et qu’ils font exprès de se dérouter pour gêner les bateaux. Quelqu’un évoque même la possibilité qu’ils cherchent la collision pour toucher une assurance. Ça nous paraît un peu poussé, mais en tout cas l’attitude de notre bateau de pêche semble commune et il ne sert manifestement à rien de les appeler, il faut les éviter tant bien que mal. En revanche il paraît que les cargos sont très obligeants, témoignage d’un ancien de la marine marchande à l’appui, et qu’ils sont toujours ravis d’être appelés à la VHF, et même de dépanner gracieusement les plaisanciers en galère, de carburant, d’eau, et même de… cigarettes ! Nous retenons surtout le possibilité de les appeler pour leur demander la météo pendant une longue traversée, ce qui peut être effectivement très utile.

Malheureusement une fois le Cap Finisterre passé nous voilà face au vent, et c’est à contrecœur que nous affalons les voiles et allumons le moteur. Le problème, c’est que même à bon régime (dans les 2 000 tours) nous stagnons à 2,5 nœuds, ce qui nous fait une ETA (heure d’arrivée estimée) vers minuit et demi. Pas génial. Nous faisons contre mauvaise fortune bon cœur, et attaquons l’apéro, dans le soleil couchant. Finalement le vent faiblit, et notre moyenne remonte à 5 nœuds.

Nous entrons dans le ria de Muros vers 21h, la nuit est d’un noir d’encre, un minuscule croissant de lune nouvelle n’éclairant pas grand-chose, mais les étoiles sont au rendez-vous. Tout comme un dauphin solitaire qui nous fait une chorégraphie féérique dans le phytoplancton ! Je remarque d’ailleurs une bouée de casier de pêcheur, et m’inquiète un peu d’en prendre une dans l’hélice, je scrute donc la mer devant l’étrave, mais n’en aperçois pas d’autre.

Nous faisons notre deuxième mouillage de nuit, et améliorons notre technique (la marge de progression est confortable). Un peu fatigués mais contents de nous, nous entamons vers 22h30, après avoir rangé le bateau, le gratin de courgettes que j’avais préparé la veille au soir. En comparant la position de l’ancre sur les appli Watchmate et Boating, Brann fait soudain une tête de 100 pieds de long. Il y a un rocher à quelques mètres de nous, non signalé sur notre GPS. Calculs faits, avec nos 35 mètres de chaîne dans l’eau, nous devrions passer au plus près à 10 mètres si le vent tourne. Nous échangeons un regard, pas question de prendre le risque. Soupirs. Nous remontons tout le mouillage et recommençons plus loin : « same player, play again » !

Ria de Muros, enseada de esteiro

Ria de Muros, enseada de esteiro

Au réveil c’est la surprise de découvrir une baie splendide, moins sauvage que celle de Camarinas, mais avec plusieurs plan de côte superposés, car cette ria forme une sorte de trèfle. Installation des panneaux solaires (Evinrude, notre éolienne, est en grève), réinstallation, et ça continue encore et encore… car Lucy a décidé de tourner d’un côté, puis se ravisant, de s’orienter de l’autre côté, etc.

Nous profitons d’une journée de tranquillité pour lire, bricoler, et repartons le lendemain vers Portosin, pour prendre une vraie douche (la douchette de la salle de bains avant est pratique, mais l’eau réchauffée par le moteur est maintenant glaciale). Et là, agréable découverte, le petit port de Muros, qui sur notre guide (de 1999), et nos cartes GPS du Raymarine (de 2009) n’abritait que des bateaux de pêche, apparaît sur les cartes du GPS de notre tablette (sur l’appli Navionics, à jour) comme étant une vraie marina, avec un nouveau brise-lames, et des places pour les visiteurs. Nous sommes très contents car Muros est décrit comme un joli petit village, contrairement à Portosin, seule marina du ria répertoriée sur notre guide.

Nous nous amarrons entre deux coques alu, qui étaient tous les deux à la Corogne en me^me temps que nous : un bateau français Goulebeneze, et un plus petit bateau sous pavillon belge, que nous avions repéré à la Corogne pour sa belle peinture de poulpe à l’étrave, et son look de bateau de voyage (barbecue et bidons à l’arrière, et l’inévitable duo panneaux solaires/éolienne). L’équipage du Poulpe, se compose… d’un chat magnifique, mélange de siamois et de chat de gouttière. Il apparaît soudainement sur le bateau, et se met à explorer systématiquement chaque recoin de Lucy, en testant le confort de différentes places, comme s’il faisait le tour du propriétaire en futur acquéreur. Je joue avec lui et prends des photos. Les présentations sont faites avec ses matelots, Cédric et Gaëlle, même âge que nous, même programme de voyage sans date de retour fixée. Nous sympathisons immédiatement et rendez-vous est pris pour un apéro le soir même à bord.

Manouche, capitaine du Poulpe, faisant la siesta sur Lucy

Manouche, capitaine du Poulpe, faisant la siesta sur Lucy

La balade dans les petites ruelles étroites et escarpées de Muros – qui a effectivement beaucoup de charme – nous ouvre l’appétit, et nous faisons honneur à une spécialité espagnole : le chocolate con churros. La soirée avec nos voisins passe très vite, en discussions à bâtons rompus sur nos bateaux, nos parcours de vie, nos projets. L’invitation est retournée pour le lendemain sur le Poulpe.

Nouvelle journée de bricolage pour Brann, interviews pour moi (j’ai des articles en retard pour Whats’ up Doc), petit tour au marché, et apéro sur cet étrange bateau que Cédric et Gaëlle ont passé 4 ans à retaper, avec toute leur ingéniosité et leur patience. Il faut dire que leur budget serré leur impose d’avoir recours au système D, et une grande partie des matériaux du Poulpe est de la récup’, chinée sur le Bon Coin ou dans des poubelles de chantier. L’intérieur du bateau est extrêmement chaleureux et décoré avec goût, nous sommes presque envieux de ce petit cocon si personnalisé, mais leurs plaintes d’un manque de place nous rappellent la chance que nous avons, Lucy est un gros bateau sur l’échelle des bateaux de voyage !

Le lendemain, le vent étant enfin favorable, nous partons au portant avec un ris, et c’est une traversée très plaisante, malgré une petite houle, avec des pointes de vitesse à 8,5 nœuds, en surf sur les vagues. Une bande de dauphins surexcités saute tout autour de nous. Ils passent et repassent devant l’étrave, nous offrant un spectacle époustouflant et comique. Voilà enfin Lucy in the sea with dolphins ! (jusque là nous n’avions eu droit qu’à un dauphin solitaire qui passait nous faire coucou, avant de repartir vaquer à ses occupations).

Les îles Cies sous le génois

Les îles Cies sous le génois

Nous hésitons à faire un mouillage dans les îles de la réserve naturelle, las islas Cies. Elles ont l’air magnifiques, mais il faut une autorisation pour y naviguer, et une autre pour y mouiller. Or notre demande effectuée par mail il y a plus d’une semaine n’a toujours pas reçu de réponse. La nuit tombe, la météo annonce 4-5 beauforts de nord, et le mouillage n’est pas très abrité, sans compter le risque de se faire déloger au milieu de la nuit par la guardia civil… Nous décidons finalement de mouiller face à une plage de la ria de Vigo, juste à côté.

Quand nous nous réveillons, nous ne regrettons pas notre choix : la côte est sauvage, magnifique. Une randonnée s’impose. Pic-nic et appareil photo dans le sac, nous voilà partis pour une petite excursion, d’abord en annexe à la rame, puis à pied en longeant un sentier côtier qu’il faut parfois deviner. Nous passons d’abord sous les pins, puis dans une forêt d’eucalyptus qui embaument l’air. Des tapis de crocus égayent la route, et nous débouchons sur des roches plates et un point de vue magnifique sur les îles, endroit parfait pour notre pic-nic. Au retour les vagues du rivage sont plus capricieuses, et l’entrée dans l’eau avec l’annexe se fait au détriment de nos vêtements (enfin surtout de ceux de Brann, moi je m’étais reculée au dernier moment en voyant que j’avais déjà de l’eau à mi-cuisses et qu’une grosse vague arrivait…).

Après-midi rédaction d’articles (pour le blog cette fois), guitare, réorientation des panneaux solaires, lecture, au soleil et face à un panorama splendide. Quelle chance nous avons d’être là plutôt qu’enfermés dans un bureau ! Une petite pensée pour ceux qui y sont…

Notre mouillage vu du sentier côtier

Notre mouillage vu du sentier côtier


A propos de S

S. est médecin urgentiste et journaliste scientifique, passionnée de lecture, de voyages, de musique, de thé et de chats. Et maintenant de bateaux !


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Commentaire sur “Galice, deuxième partie

  • Mum

    Hum ! Le chocolate con churros, quel plaisir au petit déjeuner !!
    La côte semble bien jolie et préservée de la pollution touristique.
    Merci de nous raconter vos expériences et vos rencontres. Je réclamerais bien un peu plus de photos…
    Bisous ma Sar et Brann