Hasta luego Portugal, viva España !


De notre mouillage très agité – mais sûr – de la côte Ouest du Portugal, nous avons rallié Portimao, la cible initiale lors de notre tentative précédente du passage du cap Saint Vincent. Cette fois-ci, tout s’est fait au moteur et dans une mer d’huile ; difficile d’imaginer la fureur qui régnait ici il y a à peine 3 jours.

Etre dans une marina, c’est avoir un accès illimité à l’eau, l’électricité et Internet, des douches chaudes à volonté, pas d’inquiétude sur la solidité de notre mouillage, et la possibilité de débarquer à terre sans gérer la logistique de l’annexe. Surtout, dans une marina, il n’y a en général que très peu de roulis. En général, c’est un détail, mais au vu de nos derniers jours, c’est tout en haut de notre liste.

Arrivée à la marina de Portimao au coucher du soleil, derrière un autre voilier

Le roulis est parfois provoqué par une grosse houle, mais souvent assez insidieusement par de petites vagues rythmées venant de profil qui entrent en résonance avec Lucy et la font rouler parfois comme en pleine tempête. Des solutions existent, la plus évidente (et la plus radicale) étant d’acheter un catamaran, mais celle que j’ai expérimentée à Arifana était plus astucieuse qu’efficace. J’avais ouvert grand la bôme, et y avait suspendu par un habile jeu de poulies un grand seau plein d’eau de façon qu’il soit tout juste immergé. En théorie, la résistance à la descente est nulle puisqu’il est dans l’eau, mais il pèse de tout son poids si Lucy tente de se pencher de l’autre côté, brisant le cycle infernal. En pratique, c’est encore moins efficace que l’homéopathie ! Il semble qu’il existe des solutions vraiment efficaces répondant au doux nom de flopper stopper, mais ils ne proposent malheureusement pas encore la livraison par drone…

A Portimao, nos voisins de pontons écossais nous conseillent la remontée jusqu’à Silves, une quinzaine de milles en amont du fleuve dont nous sommes à l’embouchure. Une mise d’annexe à l’eau et une heure plus tard, nous voici dans une très jolie ville de province, pleine de vieilles ruelles et de chats (Sarah est contente) et surplombée d’un château Maure (je suis content). Nous ne pourrons pas visiter le second, mais les premiers se laisseront caresser de bon cœur ; Silves est également colonisée par les cigognes, guère intimidées par notre objectif, mais il se fait tard, et nous voulons rentrer avant la tombée de la nuit (c’est-à-dire qu’il est déjà 15h…).

Les cigognes de Silves

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Nos sauveurs !

Sachant que notre réservoir fait 1,75l, que nous consommons un peu plus d’un litre à l’heure, que nous allons à 15 nœuds, et qu’il y a 15 milles jusqu’à Silves, combien nous faudra-t-il de réservoirs pour faire l’aller-retour ? Etrangement, c’est alors que nous sommes déjà sur la route du retour que nous commençons à nous en inquiéter. Quelques minutes plus tard, le moteur s’éteint brusquement, et je confirme à Sarah que je suis bien en train de lui faire le coup de la panne. Heureusement, nous avons nos rames, et le jusant nous pousse. Nous arriverons après une demi-heure d’efforts dans une petite marina pour barques de pêches (les voiliers ne peuvent remonter jusqu’ici, bloqués qu’ils sont par de multiples ponts). L’endroit grouille probablement de monde en été, mais il n’y a qu’une poignée de barques à quai en ce mois de décembre. La chance voulut que l’une d’entre elles soit occupée par deux jeunes en train de bricoler, qui insistèrent pour remplir notre réservoir à ras bord, et qui se firent pas mal prier pour accepter un peu de monnaie pour boire un verre à notre santé.

Notre étape suivante, la lagune de Faro, nous a été vendue comme un endroit hors du temps. Un grand lac isolé de l’océan par une fine bande de terre faisant office de digue naturelle, un paradis rempli d’oiseaux et de quelques voyageurs au long cours passant ici l’hiver. La météo annonce une journée de pétole suivie de 3 jours de baston – 30 nœuds en continu disent-ils – et l’endroit nous fait plus rêver pour laisser passer l’orage que la marina de Portimao. C’est donc batteries pleines, réservoirs d’eau pleins, approvisionnement effectué (nous avons trouvé un grand Continente en ville dont nous sommes revenus en Uber, comme d’hab), et surtout reposés, que nous quittons Portimao pour Faro, décidés à y étaler la tempête au mouillage.

Port de pêche de Portimao

A voir la carte, nous nous étions imaginé une sorte de golfe du Morbihan, empli d’îles qui ne se montrent qu’à marée basse. Finalement, nous sommes assez déçus du spectacle. Certes, l’endroit est joli, mais pas particulièrement joli. Il y a bien un paquet de bateau au mouillage en face d’Olhao, où nous sommes, mais tous semblent inhabités (en tout cas, ils restent intégralement noirs une fois la nuit tombée, à 17h). Le vent est soutenu, comme annoncé, et il n’y a pas un nuage ; autant dire qu’ entre les panneaux solaires et l’éolienne, nous sommes autonomes en électricité. Le revers de la médaille, c’est qu’une houle hachée s’est levée dans la lagune. Elle ne fait qu’une cinquantaine de centimètres, mais elle transforme toute tentative de trajet en annexe en douche d’eau de mer glacée. Nous ferons l’essai une fois, constaterons que le vieux centre d’Olhao ressemble à celui de Cascais – de belles ruelles pavées de blanc, et passerons les deux jours restants dans notre nid douillet, qui aura le bon goût de ne pas rouler d’un poil (Lucy s’est naturellement mise face au vent, et est donc relativement insensible aux vagues prises de face qui ne provoquent qu’un léger tangage très supportable).

Le temps s’est calmé, et nous continuons vers l’Est, décidés à passer Noël en Espagne, peut-être à Cadix. Le vent est parfait, et après nos deux dernières étapes au moteur, celui-ci reste éteint pendant notre trajet jusqu’à Mazagon, première ville hispanique de notre périple. Lucy est au bon plein (donc bien penchée), mais il n’y a pas de vagues et un grand soleil, on se croirait au mois de mai. On bouquine, on discute, Sarah chante Mécano à tue-tête tandis que je remplace le pavillon portugais par l’étendard jaune et rouge de sa majesté. Nous passons une journée à Mazagon, ville résidentielle pleine de somptueuses villas donnant sur une plage paradisiaque. Nous sommes en tee-shirts, mais l’eau est à 18°. C’est très agréable, même s’il n’y a pas grand-chose à faire ici à part se prélasser au soleil, et la météo est favorable pour aller à Cadix, 50 milles plus au sud.

Dommage que l’eau soit à 17° …

Dans le chenal de sortie du port, nous nous faisons klaxonner (ou plutôt corne-de-brumer) par un énorme pétrolier, précédé d’un bateau pilote qui vient gentiment nous faire signe qu’il n’est pas totalement sûr qu’il y ait de la place pour nous et pour le mastodonte qui s’avance, et que si on sortait de « son » chenal, ça éviterait des tracas. Nous faisons donc demi-tour et venons nous placer derrière le supertanker, lui-même suivi par un remorqueur (j’étais persuadé que les remorqueurs étaient devant les cargos, pas derrière… quelque chose doit m’échapper). Après ce faux départ, nous passerons une journée très agréable sous voiles et au soleil. A Cadix aussi, nous devrons partager le chenal avec un énorme paquebot de croisière, mais cette fois nous sommes sous voiles et donc – croyez-le ou non – prioritaires (en fait c’est plus compliqué que ça. Il avait probablement le statut de navire handicapé par son tirant d’eau, et était donc à ce titre privilégié. Ah oui, on dit privilégié et pas prioritaire dans le monde de la voile. Allez savoir). Toujours est-il qu’il se décalera gentiment sur son babord pour nous laisser passer (Si le chenal n’avait pas fait 1km de large, on se serait probablement encore fait corne-de-brumer). Nous nous prenons à imaginer les centaines d’yeux qui admirent probablement Lucy en ce moment tout en préparant notre arrivée au port.

L’entrée à Puerto America, le port de Cadix est assez ardue, peu de place pour manœuvrer et de violentes rafales, mais Sarah a maintenant complètement pris le coup de barre. D’après nos voisins de pontons, arrivés deux semaines auparavant, Cadix est magnifique !

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